salope de plage

Le premier signe est dans les traces des mouettes. Les trébolas laissées par leurs pattes dans le sable se multiplient en une sorte de mandala éphémère qui ignore les restes d'humanité laissés hier sur la toile cirée de la plage. Les pics ont cousu la mer, créature omnivore qui engloutit tous nos restes : plastique, papier, steak pané, coquilles de graines de tournesol, la tige cassée du parapluie, la peau de pastèque, la soucoupe du litre, le verre, la couche avec sa charge, le cul, le caca de chien -les chiens sont interdits sur ma plage, mais il vaut mieux penser que le caca leur appartient- le carton rouge, la lingette intime, la compressa... La promenade à l'aube le long du rivage est une nappe d'immondices que la marée haute engloutit dans l'estomac océanique. La plage est un drain à travers lequel nous déversons une énorme charge d'impolitesse. Et dans la solitude de l'aube, la mer est un miroir qui projette sur nous tous nos défauts. C'est chiant de marcher dans nos pas. A l'aube sur le rivage il n'y a pas de religions vertes. Il y a des utopies noires. La condition humaine est destructrice. Et peu importe le nombre de slogans que l'écho nous apporte, la conservation de notre écosystème n'est qu'un lavage de conscience. Il n'est pas possible de généraliser, d'accord, car il y a beaucoup de gens avec un engagement environnemental très fort. Mais quand on sort de la voie de la propagande et qu'on entre dans le monde réel, on se retrouve face à face avec le canular. Il y a une distance sidérale entre ce que nous voulons être et ce que nous sommes. Nous sommes des porcs. Sauvez-vous, ce qui le peuvent. Du rivage de mon paradis d'été, la bouchée que le Maroc donne à l'Atlantique à l'ouest se partage comme si la terre fuyait à l'est. Tanger est la sclérotique de l'œil de l'Afrique, regardant toujours à travers le rideau de l'Europe. Et le détroit déchaîné divise le monde en deux étangs, deux vents, deux continents et deux cultures. Mais les mouettes relient tout cela ensemble. Il y a quelques années, ils avaient plus de travail là-bas. Maintenant, ils se réveillent ici sur les décombres laissés par ceux du côté soi-disant civilisé. Car sous la carte multicolore des parapluies se meurt la mer, machine à sous de notre addiction au jeu d'été.