Aix déchire le portrait de Salomé

Pierre Audi vient bientôt explorer de nouvelles possibilités scéniques et de relations publiques. Dans les années 2022, il remporte un premier succès en rouvrant le théâtre Almeida à Londres et maintenant il tente de le redynamiser en tant que directeur du Festival d'Aix-en-Provence. Prête à prendre des risques, l'édition XNUMX comprend l'interprétation énergique de la deuxième symphonie de Mahler sous la direction de Romeo Castellucci et la comédie musicale d'Esa-Pekka Salonen dans le stade délabré de Vitrolles, alors qu'elle se dilue comme dans la réalisation insipide d'"Idomeneo" signé par Satoshi Miyagi, avec une direction musicale esquissée par Raphaël Pichon, se déroule dans le Japon d'après-guerre et une exécution scénique faible. C'est aussi la solide proposition théâtrale de « Il viaggio. Dante », le dernier opéra de Pascal Dusapin mis en scène par Claus Guth pour l'enthousiasme des spectateurs, et le distillat de « Salomé », l'opéra de Strauss, présenté sous la tutelle théâtrale d'Andrea Breth et du musical Ingo Metzmacher.

La vieille idée d'un protagoniste de seize ans avec la voix d'Isolde a pesé sur la conception de la production. La combinaison est difficile d'inclure la soprano Elsa Dreisig à la tête d'un casting qui mélange mal les autres ingrédients. La musicalité et le lyrisme de Dreisig "manquent de cran", selon la propre expression de Strauss devant la première interprète du rôle, Marie Wittich, outre le fait que sa présence entraînera d'autres conséquences d'ordre musical que le metteur en scène Ingo Metzmacher résout dans un version transparente, propre, déconcertante pour l'application de solutions musicales qui perturbent les conflits internes de la partition et sa texture épaisse. Que "Salomé" s'écoule sans que son psychologisme pervers ne devienne tendu à des points culminants spécifiques démontre l'humeur apaisante de la version.

Il est facile d'écouter la mise en scène laxiste présentée à Aix enregistrant la récente interprétation que David Afkham a dirigée à la tête de l'Orchestre et Chœur nationaux d'Espagne lors de la finale des jeunes. Les résultats furent très différents car naviguant en faveur de l'œuvre, pénétrant les ténèbres nécrophiles du personnage qu'était la vétéran soprano américaine Lise Lindstrom. Dans une fin d'après-midi tumultueuse, Afkham a placé l'œuvre dans une position troublante réalisée en collaboration avec plusieurs interprètes bien caractérisés : de la gravité volumineuse de Tomasz Konieczny (Jochanaan), à la coloration vocale acide de Frank van Aken (Hérode), le l'impudeur de Violeta Urmana (Herodías) et la voix immédiate d'Alejandro del Cerro (Narraboth). La performance semi-scénique de Susana Gómez a glorifié l'auditorium de Madrid et l'a teint de sang.

L'énergie concentrée en quelques éléments a déterminé un parcours sensé et très différent de l'accumulation anachronique de gestes qu'Andrea Breth présentait à Aix. L'habitat sombre et la présence de la lune sont des traits immédiats d'une mise en scène qui naît avec un sens poétique indéniable. Car Breth défend aussi le charme bienfaisant d'Elsa Dreisig, qu'il considère comme une grande actrice même si elle guide maladroitement ses pas (et ceux de tous). Au schéma des mouvements s'ajoute la succession d'espaces discordants, certains rappelant des tableaux du peintre Caspar David Friedrich (palais inspirés de "La Cène" placés dans un espace étroit qui comprend la tête de Jochanaan sur la table en invité de pierre).

Breth et Metzmacher sont tous deux au diapason et conditionnent "Salomé" à travers un casting qui marche dispersé et avec un ajustement vocal difficile. La faible profondeur de Gábor Bretz (Jochanaan) et la portée courte de John Daszak (Hérode), le plus incisif de tous, tranchent sur la distinction limitée de l'endurcie Angela Denoke (Hérodias). À la suite des indications, la formule d'une Salomé contestée surgit dans la sobre expérience pour recomposer son essence jeune, vicieuse, perverse et capricieuse : une description qui a été présentée depuis que Strauss a créé l'œuvre, mais sur laquelle une tradition si établie dans la rudesse et la maturité, que tout ici tombe à l'eau.